Witcher 3, quelques mois plus tard...

J'en avais un peu parlé par mail mais j'avais envie de revenir, avec quelques mois de recul, sur mon expérience là dessus.
(en fait je me rends compte que ce que j'aime bien dans l'idée d'un forum, c'est que ça fait aussi un lieu où poser des trucs, même sans attendre de réponse, on sait que ce sera lu... un bloc-note partagé quoi).

Donc voilà, ça fait plusieurs mois que je m'étais lancé dans le truc. Je sais pas trop pourquoi j'avais pas joué avant, même si j'ai quelques pistes: le côté hype qui m'a un peu éloigné du truc, et aussi le fait que je savais, à force de discussion avec des conquis, que si je mettais le doigt dedans, j'en aurais pour un bout de temps.
J'avais vraiment aimé le premier malgré quelques bizarreries de gameplay (le clic en rythme pour le combat...) mais merde, y'avait un truc quand même, tu sais, ce genre de jeu qui s'associe à une période de notre vie et lui donne une "couleur" (tiens...). Souvent la musique va de paire avec ce sentiment, d'ailleurs la BO de W1 fait partie des classiques de mes playlists fantasy...

Bref, le deuxième volet était un peu passé sous mes radars, je l'avais effleuré, jamais fini, assez peu avancé même. Trop le bordel dans l'interface, ça avait tendance à me sortir un peu de mon immersion.
J'ai tenté le trois malgré tout, bien plus tard. Et là, je dois dire que même si je ne l'ai payé en version gold qu'une vingtaine d'euros, c'est sans doute un des rares jeux pour lesquels j'aurais absolument pas regretté un centime des 60€ de base...

Alors, qu'est ce qui fait que ce jeu m'a tellement bluffé, contrariant au passage ma volonté de me singulariser en détestant un jeu que tout le monde encense? Bah, il est dans le haut du panier en terme de réalisation, y'a pas à chier. C'est neuneu à dire mais au delà de l'aspect simplement technique, ce jeu est rempli d'amour, ça transpire. Un amour profond et sincère de l'oeuvre originale (sympa mais pas bluffante) et un talent certain pour s'approprier un univers et lui donner une épaisseur que les livres peine à offrir. D'ailleurs, la réaction de l'auteur par rapport aux jeux, même le 3, est plutôt décevante...

Après, y'a eu ce je-ne-sais-quoi quasi-morrowindien. Différent mais comparable. Un sentiment de liberté, déjà, un vrai. Un dépaysement, beaucoup de contemplation offerte. Je sais que c'est pas facile de s'approprier un personnage imposé (même jouer "Shepard", malgré la custo, me donnait un sentiment de rail), pourtant, et ce dès le premier volet, je n'ai eu aucun mal à incarner Geralt. Faut dire qu'il est pratique, Geralt: taciturne, peu expressif de part son tempérament et les rituels qui l'ont amputé d'une bonne partie de son empathie pour devenir sorceleur, on peut pas dire que le mec soit très marqué en terme de caractère. Et c'est précisément ça le génie d'un tel personnage, d'autant plus que le doublage, même français, est très habile et permet toujours de coller sa propre intention sur ses paroles: on ne sais jamais s'il est sarcastique ou sérieux, à nous de choisir si on prononce ses paroles au premier ou au second degré (et de manière étonnante, ça marche presque tout le temps, à quelques exceptions près, pour des raisons évidentes de scénario).
Et puis, j'avoue, Geralt c'est un bonhomme plein de poil et de muscle, je dois dire que par rapport à mes archétypes joués habituellement, ça avait comme ujne touche d'exotisme

Au fil des heures, Geralt est vraiment devenu... je sais pas, à la fois un pote et une extension de moi même. C'est un sentiment qui s'est un peu prolongé lorsque j'ai repris le livre: je lisais les aventures de Geralt, et au fond de moi, une petite voix me disait, sur un ton satisfait, "j'ai été ce mec quelques dizaines d'heures de ma vie, Geralt, c'est un peu moi". Je crois que j'avais jamais vraiment ressenti ça pour un personnage de fiction.
Au fil de l'aventure, j'ai mieux compris sa partie humaine, à travers ses romances (alors que j'y suis allergique la plupart du temps). Comprendre son tiraillement entre ses sentiments pour Triss et Yennefer, partager sa nostalgie de ses relations passées, sentir à quel point ce gros tas de muscle s'accroche à sa sensibilité humaine.

L'univers de Witcher est très dense et il y a un incroyable effort de cohérence qui est fait, tant dans sa genèse que dans sa scénarisation (j'ai pas réussi à trouver de vraies failles), et j'avais peur aussi que ce soit un peu un jeu appréciable mais dont on loupe 50% si on connait pas l'oeuvre originale ou simplement les deux premiers épisodes. Que nenni! Tout les élements importants sont livrés sans bourrage de crâne, même si parfois quelques points secondaires peuvent paraître obscures. En fait, se documenter sur le reste de l'univers en dehors du jeu apporte un chouette bonus (ça aide notamment à comprendre le tiraillement Yennefer/Triss et clairement, notre choix peut être considérablement influencé par notre connaissance de son passé).

Le jeu est très narratif, c'est vrai, et quand on voue un culte à l'extrême liberté des TES, dans lesquels le RP joue considérablement dans notre expérience, et parfois on peut avoir l'impression de jouer à un jeu d'action entrecoupé de cutscene. Ca m'aurait vite gavé dans pas ma lde jeu, sauf que... chaque quête (je dis bien chaque) est tellement bien amenée et réellement scénarisée que même les quêtes les plus fedex sont légitimes et intéressantes puisque qu'elles rendent vivant le monde autant qu'elles nous apporte quelques connaissances supplémentaire sur celui ci. Comme souvent dans les RPG, on pourrait diviser en trois types de quêtes: la trame principale, les quêtes secondaires, et les quêtes de PNJ.
Dans un TES, ce serait, respectivement: l'histoire principale, les quêtes de guilde, les quêtes de type "va fouiller le donjon et retrouve ceci".
Dans W3, le distingo est beaucoup plus flou. De base, c'est précisément notre boulot de sorceleur que de répondre aux demandes des péons flemmards ou couard. Du coup, pas de pétage d'immersion. Sérieux quoi, être le Nerevarine ou le Dohvakin et accepter de retrouver les poules d'un villageois qui en plus nous parle comme à un débile? Come on...
D'emblée, t'es sorceleur, tu sais que ton taf c'est de ramasser la merde des autres. T'es respecté dans le monde autant que craint, c'est le côté "arbitre/juge civil" des sorceleur, leur parole est respectée. Quand tu joue Geralt, t'es un sorceleur avant d'être un héros. Et ça, c'est un des points que je trouve dans W3 et pas dans d'autres jeux: le fait d'être "relativement" banal dans ce monde, pas un élu, pas un mystérieux étranger extraordinaire touché par le Destin; non, on est juste un sorceleur centenaire qui en a vu d'autre et qui, justement, aimerait bien faire autre chose de sa vie, pour peu qu'il sache faire autre chose. Ca aussi ça participe à l'imprégnation du personnage, je trouve.

Je vais laisser reposer ça, je reprendrais peut être demain. je précise que je ne cherche pas à te convaincre de retenter l'expérience, j'avais juste envie de poser un ressenti qui dure au delà de ce que j'attendais. Tu sais, ce genre de jeu qui laisse une vraie trace et une légère nostalgie. Je crois que j'avais besoin de l'extérioriser, même partiellement

PS: je repense à ton analogie des trips, je crois que je viens d'en trouver une autre assez similaire qui me fait comprendre ta pudeur à parler de tes trips de manière très personnelle. N'as-tu jamais été un peu agacé à écouter le récit d'une partie sur un jeu que tu aimes (au hasard, Morrowind...) et l'entendre dire "Ah moi j'ai tué tout le monde à Balmora LOLOLOL". Ce sentiment de piétiner un truc, une expérience que tu sais unique, mais paradoxalement partagée par des milliers d'autres joueurs? bah voilà, moi je déteste quand quelqu'un me fait ça, j'ai l'impression qu'on viole un peu de mon intimité vidéoludique... C'est sans doute pour ça que j'ai rédigé ce ressenti, justement par le biais du ressenti et pas trop du factuel, sans raconter des passages, ce serait vain et ça n'apporterait rien à ce que je cherche à transmettre.